Dans cet article, je vous présente des informations que j’aurais aimé connaître sur les méthodes d’apprentissage de la lecture, quand mon aîné était en grande section de maternelle.
Sommaire
Quelques chiffres
7 % de la population française âgée de 18 à 65 ans est illettrée.
1 enfant sur 10 connaît de grandes difficultés pour lire.
20% des élèves ne savent pas lire à l’entrée en 6e.
Les troubles dys concernent près de 8% des enfants d’âge scolaire en France.
D’après les enquêtes Pisa de l’OCDE, le niveau scolaire se dégrade depuis les années 70-80. Les compétences en lecture des écoliers français sont inférieures à la moyenne européenne.
A l’échelle mondiale, la France se situe au 34e rang, loin derrière la Russie, Singapour, Hong-Kong, l’Irlande, la Finlande… (enquête Pirls 2016 :Progress in International Reading Literacy Study).
Toutes ces données laissent perplexe. Il est évident que de plus en plus d’enfants rencontrent des difficultés dans les apprentissages fondamentaux, dont la lecture.
Les outils de compensation pour les personnes « empêchées » de lire à cause d’un handicap (entre autres les troubles dys) ne seront pas abordés ici. Ils feront l’objet d’un autre article.
Le grand cap à passer : l'apprentissage de la lecture
Trop d’enfants sont en difficulté sur cette compétence fondamentale. Qu’il y ait un handicap ou pas, l’accès aux livres doit être possible pour tous.
L’acquisition peut être plus ou moins longue, selon le rythme ou les capacités cognitives de chacun. Mais, il est primordial d’accorder une priorité à cette compétence pour le devenir de l’enfant. L’enfant doit être guidé dans cet apprentissage fondamental.
L’enseignant en est le principal acteur.
Cependant la présence des parents est aussi capitale. Un accompagnement quotidien, stimulant et sécurisant permet des progrès tangibles. Par leurs encouragements, les parents motivent leur enfant qui souhaite alors leur faire plaisir et être fier de lui. La confiance et l’affection accordées à l’enfant vont nourrir sa motivation. De plus, l’environnement familial est riche en occasions de s’intéresser à la lecture (une recette, un jeu, une revue, une lettre d’un ami ou grand-parent, tante, oncle, une invitation, un paquet de gâteaux …).
Si l’enfant connaît des difficultés cognitives, d’autres acteurs, comme les professionnels paramédicaux, vont jouer un rôle important. Ils assurent une rééducation qui aide à l’apprentissage de la lecture.
Entouré de tous les accompagnements dont il a besoin, l’enfant sera en mesure de faire ses débuts dans cette nouvelle compétence.
Les difficultés de votre enfant dans l'apprentissage de la lecture
Votre enfant est au CP et il peine dans l’apprentissage de la lecture. À l’école, l’enseignant vous a fait part de ses difficultés. À la maison, toute activité plus ou moins proche de la lecture ou de l’écriture lui coûte énormément. Et il y est donc réfractaire. Il ne connaît pas les lettres, leur son, les confond, ne les retient pas, saute des lettres, invente des mots ou les devine avec plus ou moins de succès …
Vous commencez à vous interroger sur les raisons de ses difficultés et sur les possibilités pour l’aider.
Il faut tout d’abord comprendre pourquoi votre enfant est en difficulté.
Qu'elles peuvent être les causes de ses difficultés ?
- Un déficit sensoriel (vue, ouïe),
- Un déficit d’intelligence globale,
- Un contexte éducatif ou familial compliqué,
- Un environnement scolaire mal vécu,
- Une méthode d’apprentissage inappropriée
- Une dyslexie ou un trouble des apprentissages (dysphasie, trouble de l’attention …)
Vous pouvez en parler avec l’enseignant pour savoir comment votre enfant vit son temps scolaire. Les méthodes d’apprentissage de la lecture peuvent fortement impacter la réussite de cette étape (je vous en parle juste après). Aussi, il est important de connaître celle utilisée par le professeur.
Informé des éléments scolaires, vous pouvez discuter de vos inquiétudes avec votre médecin.
Ce dernier vous proposera de faire les bilans nécessaires pour écarter les pistes de déficit sensoriel. Le cas échéant, il pourra aussi vous orienter vers un psychologue pour faire passer des tests psychométriques (QI), de personnalité ou vers un neurologue pour des diagnostics plus précis, …. Les différents examens sont souvent fastidieux, voire pour certains coûteux, mais ils permettent d’avoir un portrait plus précis de votre enfant et de mieux comprendre où peuvent résider les difficultés.
L’aspect psychologique est aussi très important pour contribuer à un bon apprentissage. L’enfant doit se sentir en sécurité et apprendre avec plaisir.
L’infuence des méthodes d'apprentissage
Quand l’apprentissage de la lecture se révèle ardu, les raisons ne peuvent pas seulement incomber à l’enseignant ou à l’élève. Il est évident que les méthodes d’apprentissage influent sur les progrès des enfants. « Les premiers apprentissages montent des circuits neuronaux que l’on va utiliser toute sa vie » (Elisabeth Nuyts).
L’orthophoniste Colette Ouzilou avance l’existence de « fausses » dyslexies qui seraient dues aux méthodes de lecture globale. Chaque méthode a probablement ses intérêts. Le débat n’est pas de savoir s’il y a de vraies ou de fausses dyslexies, mais plutôt de réfléchir à ce qui doit être fait pour munir tous les élèves des bons outils, dès la maternelle, et en particulier les plus fragiles.
Le neuroscientifique Stanilas Dehaene, dans son livre Apprendre à lire: Des sciences cognitives à la salle de classe , s’est penché sur l’efficacité des méthodes d’apprentissage pour tous les enfants, dont les dyslexiques . « Oui, l’enseignement de la phonologie et des correspondances graphème-phonème (voir glossaire) est le moyen le plus efficace d’apprendre à lire ». « Chez les enfants dyslexiques ou à risque de dyslexie, un entraînement intensif, focalisé sur la connaissance des phonèmes et de leur correspondance avec les graphèmes, augmente simultanément le décodage des mots et l’activité cérébrale dans les régions associées à la lecture ».
Par ailleurs, la dyslexie ne pouvant être diagnostiquée qu’à partir de la fin du CE1, il serait dommage d’attendre que le diagnostic soit posé. Plus le repérage et l’aide sont précoces, plus il progressera. Autant utiliser la méthode adaptée le plus tôt possible, avant que le diagnostic soit posé en fin de CE1.
Comment aider votre enfant dans l'apprentissage de la lecture ?
Si votre enfant est en difficulté pour cet apprentissage si délicat qu’est celui de la lecture, il faut l’aider, et au plus tôt. Bien-sûr, cela peut-être fait au sein de l’école par l’enseignant ou un autre intervenant pédagogique.
De plus, suite aux bilans, si votre enfant a besoin d’une ou de plusieurs prises en charge spécifiques, il sera suivi par des professionnels paramédicaux : orthophoniste, ergothérapeute, psychomotricien, graphothérapeute, orthoptiste, psychologue…
Mais un accompagnement à la maison est aussi nécessaire, par vous-même, ou une autre personne. « Pour ces premiers efforts et ces premières découvertes, il est indispensable que les parents aident et collaborent. » (Jacqueline de ROMILLY de l’Académie française.)
Si votre enfant adhère à la méthode de lecture syllabique utilisée en classe, vous pouvez poursuivre le travail de l’enseignant. Malheureusement, la méthode syllabique n’est souvent enseignée que partiellement, il s’agit en fait d’une méthode « mixte ».
Vous pouvez aussi prolonger le travail de l’orthophoniste si celui-ci vous le recommande.
Le plus important est d’appliquer la méthode adaptée à votre enfant.
Les méthodes d'apprentissage de la lecture
Il existe 3 méthodes de lecture ou plutôt 2 :
- la syllabique ou alphabétique ou phonétique
- la globale ou analytique
- la mixte : un mix des 2 précédentes
La méthode globale
La méthode globale ou analytique s’appuie sur une identification des mots écrits de façon globale.
Le Docteur Decroly a utilisé cette méthode pour des enfants malentendants. Certains pédagogues se sont intéressées à cette technique favorisant la mémorisation visuelle du mot en entier, en soutenant que « lire, c’est comprendre ». Ainsi, grâce à cet accès global au mot, les partisans de cette méthode souhaitent privilégier la compréhension de la lecture, au détriment du déchiffrage. Ils supposent que les enfants comprendront mieux et auront plus de vocabulaire en travaillant sur des écrits déjà élaborés, sans passer par une progression comme celle de la méthode syllabique.
La méthode mixte
La méthode mixte se trouve sous diverses formes, empruntant des principes de la méthode syllabique et de la méthode globale. Elle s’appuie sur la mémorisation de stocks de mots : les « mots-outils ». L’élève doit identifier des lettres ou des syllabes dans des mots écrits qu’il ne sait pas encore déchiffrer. En prenant des repères ou en faisant des hypothèses, il devine la partie du mot qu’il n’a pas encore appris à décoder. Dans ce type d’exercice, mon fils, diagnostiqué dyslexique en fin de CE1, s’amusait à débusquer les lettres ou les syllabes demandées, et à inventer le mot à l’aide des illustrations.
Cette méthode est largement utilisée par les enseignants depuis les années 70.
La méthode syllabique
Avec la méthode syllabique (ou alphabétique ou encore phonétique), « lire c’est décoder ou déchiffrer » l’écrit.
Partant des signes écrits, les mots sont décomposés en graphèmes (lettres ou groupe de lettres comme ‘ou’) qui sont associés à des phonèmes (sons). Chaque son est alors prononcé (à voix haute ou mentalement). Et le mot est ainsi reconnu. Il n’est jamais demandé à l’élève de lire des mots dont il n’aurait pas appris au préalable à déchiffrer les graphèmes. L’acquisition du déchiffrage est ainsi progressive et systématique. Toute devinette à partir du contexte ou d’une image est exclue. En suivant la progression définie pour l’étude des graphèmes, l’élève est en capacité de lire tout ce que lui propose l’enseignant. L’accès au sens vient alors avec la fluidité du déchiffrage.
Ainsi, quand l’enfant sait déchiffrer, il peut le faire pour tous les mots. Si le mot n’est pas connu, il peut en rechercher le sens.
L’entraînement progressif et régulier au déchiffrage permet ensuite son automatisation.
Le lecteur débutant enrichit son registre de mots, tant pour leur sens que pour leur orthographe. Après l’automatisation du déchiffrage, le lecteur expérimenté ne déchiffre plus que les mots inconnus. Il lit les mots globalement à partir d’un accès à son registre de mots connus.
Ces trois méthodes, que je ne détaillerai pas plus, ont souvent soulevé des débats dont je ne souhaite pas faire état ici. Je vais me concentrer sur la méthode syllabique, car je suis convaincue de son efficacité.
Quelques exemples de méthodes syllabiques
De nombreuses études ont montré que cette méthode de lecture était plus efficace, tous milieux sociaux confondus, tant sur la capacité de décodage que sur la capacité de compréhension de l’enfant.
Il ne faut pas voir cette méthode comme un apprentissage ennuyeux avec les yeux d’un adulte qui sait lire depuis longtemps et qui a oublié comment il a appris.
Les enfants prennent le déchiffrage comme un jeu. Cet assemblage d’unités produit des syllabes, puis un mot qu’ils ont plaisir à découvrir. C’est un peu comme un jeu de construction avec des lego.
Toutes les méthodes présentées ci-dessous peuvent être utilisées à la maison. Vous pouvez commencer à partir de la GS, à 4 – 5 ans ( 3 – 4 ans pour La méthode des alphas qui est plus ludique ). Mais il n’y a pas de règles absolues. Tout dépend avant tout de l’enfant et de son environnement.
La méthode Boscher
L'instituteur M. Boscher a créé cette méthode. Chaque page présente un nouveau graphème, qui peut être vu sur une ou deux journées, avec des révisions, des illustrations et du calcul.
Lire avec Léo et Léa
Cette méthode syllabique est très rigoureuse. Elle utilise la couleur pour aider au repérage des graphèmes et des syllabes. L'enseignement est explicite et très progressif.
Bien lire et aimer lire ou la méthode Borel Maisonny
Suzanne Borel-Maisonny, une des fondatrices, en France, de l'orthophonie, a développé cette méthode syllabique gestuelle. Celle-ci est très aidante pour les enfants en difficulté sur les phonèmes, en particulier les dysphasiques ou les déficients auditifs. Les gestes, favorisant la mémorisation des phonèmes, sont abandonnés quand l'enfant n'en éprouve plus le besoin.
La méthode Delile
Cette méthode syllabique, créée par une orthophoniste et un instituteur, est progressive. Les leçons, abordant un phonème à chaque page, sont toujours présentées de la même façon : lecture des syllabes, puis des mots, puis des phrases et enfin une révision. Chaque mot est illustré. Cette méthode est tout de même ambigüe. En effet, des mots dont l'enfant ne connait pas encore tous les graphèmes sont présentés dès le début. Certes, l'enfant ne doit reconnaître que la lettre étudiée.
La Planète des alphas
Claude Huguenin, une psychopédagogue, spécialiste dans la remédiation des troubles du langage écrit, a créé cette méthode. Les enfants nouent des relations affectives avec les personnages de la Planète des Alphas. Cette méthode, à l'origine destinée pour les enfants en difficulté, a élargi son public. Très ludique, elle peut être abordée dès la GS de maternelle. Il existe plusieurs produits allant des livres d'apprentissage, en passant par un DVD, jusqu'à un coffret contenant les figurines des personnages-lettre.
La méthode alphabétique et plurisensorielle Fransya
Le Docteur Ghislaine Wettstein-Badour a développé cette méthode. Elle offre une pédagogie alphabétique et plurisensorielle avec de nombreux exercices moteurs (latéralisation, orientation dans l'espace, écoute, graphisme, etc.). Les leçons sont présentées sans illustration. Il y a de nombreux conseils pour les parents.
Pour mon enfant dyslexique, en CE2, sous les conseils avisés d’une maîtresse très expérimentée, nous reprîmes le B-A-BA de la lecture avec la méthode Boscher. Les progrès furent impressionnants. Mon seul regret fut de ne pas avoir fait cela plus tôt. Aujourd’hui, il est capable de lire très correctement.
Personnellement, j’aime beaucoup la méthode Boscher car elle est complète : elle est à la fois très rigoureuse, progressive et illustrée. La méthode Borel-Maisonny fait preuve d’efficacité lorsque l’enfant a des difficultés de prononciation ou un déficit auditif. Par ailleurs, la méthode des alphas est intéressante pour des enfants qui fonctionnent beaucoup avec l’affectif. Avec la méthode Fransya, ce sont celles que j’ai le plus utilisées pour mes cours particuliers. Il en existe encore quelques unes.
Glossaire :
Graphème: plus petite unité écrite signifiante, soit lettre seule soit groupe de lettres, représentant un phonème.
Phonème : plus petite unité du langage oral, lettre ou groupe de lettres.
Références
Apprendre à lire: Des sciences cognitives à la salle de classe – de Stanilas Dehaene.
Dyslexie, Dyscalculie, Dysorthographie, Troubles de la mémoire : Préventions – de Elisabeth Nuyts
Dyslexie, une vraie-fausse épidémie de Colette Ouzilou.
http://www.liberation.fr/debats/2017/09/10/methode-globale-ou-syllabique-de-quoi-parle-t-on_1595372
http://www.europe1.fr/societe/niveau-scolaire-en-france-ces-cinq-etudes-qui-inquietent-3511721
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Carole Bouyssou
Il est top cet article, merci beaucoup et super clair.
Merci Susana !